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e-money: La culture electronique a l'epreuve de la loi

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La culture electronique a l'epreuve de la loi

En l'espace de quelques mois, le gouvernement belge s'est employe a
restreindre considerablement la liberte d'expression du citoyen. Vendredi 3
juillet, a la veille des vacances, le Ministre de la Justice et le Ministre
des Telecommunications presentaient un texte visant a obliger les
fournisseurs d'acces a Internet a garder une copie de toutes les adresses
electroniques consultees par leurs clients. Ce projet de loi cense proteger
les systemes informatiques contre d'eventuelles intrusions n'avait pas
encore recu l'avis du Conseil d'Etat qu'on apprenait, lundi 5 octobre, que
la loi sur les ecoutes telephoniques venait d'etre amenagee pour permettre
dorenavant au parquet d'effectuer des *reperages* sans passer par
l'autorisation prealable d'un juge d'instruction.

Deux lois, deux coups de massue assenes a la libre circulation des idees.
En obligeant les fournisseurs d'acces a conserver une trace des pages
electroniques consultees par leurs abonnes, le gouvernement ouvre la voie a
la constitution de bases de donnees susceptibles de fournir des
informations ultra confidentielles sur les utilisateurs d'Internet. Un
releve des adresses electroniques permet  non seulement d'identifier
quelles sources d'information interessent une personne, mais encore quels
articles elle a lus, quelles images elle a vues. Le projet de loi envisage
meme la possibilite d'enregistrer et de conserver une copie de tous les
courriers electroniques envoyes ou recus. En cherchant ainsi a s'approprier
la maitrise des ordinateurs qui gerent le trafic, l'appareil d'Etat
pourrait bientot se trouver en mesure d'assurer un controle systematique
des communications en reseau.

Quant aux conversations telephoniques, grace a la technologie actuellement
disponible, il n'est meme plus necessaire de mobiliser un officier de
police pour les ecouter et les retranscrire. En deviant les appels vers un
ordinateur utilisant un logiciel de reconnaissance vocale, il est possible
de les convertir automatiquement sous forme de textes. Il suffit alors
d'isoler un mot pour reperer les interlocuteurs qui l'utilisent, suivant la
technique de la *peche au filet*. Puisque les *reperages* ne necessitent
plus l'accord ecrit du juge d'instruction, l'operation pourrait desormais
s'effectuer a grande echelle. Dans ces circonstances, justifier un
assouplissement de la loi sur les ecoutes en pretendant qu'il s'agit
d'aider les victimes de harcelement sexuel par telephone est, au mieux, de
la demagogie, au pire, une strategie deliberee d'intoxication de l'opinion.
Car dans les faits, rien ne justifie d'assouplir la procedure
d'autorisation des ecoutes. Au contraire, face a la surveillance
informatique, il apparait plutot urgent de garantir et de proteger
efficacement la confidentialite des echanges.

Force est de constater, malheureusement, que la protection des interets
fondamentaux du citoyen n'est pas la priorite du gouvernement. Il semble
que celui-ci percoive la montee en puissance des communications en reseau
comme une atteinte a ses prerogatives. Dans un reflexe de protection
securitaire, l'executif tente donc de freiner le mouvement en s'opposant
tant que faire se peut a l'emergence d'autres modes d'organisation
democratiques. Or, s'il est vrai que l'Etat souffre actuellement d'une
perte de souverainete, il ne saurait etre question de combler ce deficit en
limitant la liberte d'opinion ou en empietant sur la vie privee des
particuliers. La constitution d'alliances entre citoyens independants aide
a trouver des solutions aux defis que rencontre notre societe. On l'a vu
avec l'action des parents de Julie et Melissa et du Collectif contre les
expulsions, ces mouvements qui reclament l'autonomie et le droit de
critique par rapport aux pouvoirs institues. On sait aussi que ces
initiatives doivent leur succes a la possibilite de communiquer rapidement
grace a de nouveaux outils. Faut-il des lors permettre au gouvernement de
lire le courrier electronique de Gino Russo et d'epier les conversations
sur le GSM du Collectif ?

Le projet de loi relatif a la *criminalite* informatique est aussi insense.
Il temoigne de l'aveuglement des decideurs politiques de ce pays, prets a
brader les libertes publiques les plus essentielles au profit exclusif de
puissants interets prives. La logique de ce projet de loi consiste a
decourager localement les attaques en direction des systemes informatiques
en condamnant tres lourdement ceux qui reussissent a s'y infiltrer. Il
etablit ainsi l'impression artificielle que les systemes de securite
informatique belges sont surs. Or la securite d'un systeme ne se decrete
pas, elle se prouve. C'est precisement le role des hackers que de tester
les systemes informatiques quant a leur securite et confidentialite. En
interdisant aux *pirates* de devoiler publiquement les faiblesses d'un
systeme, on empeche les utilisateurs de se tenir informes des qualites et
des defauts des logiciels presents sur le marche. On renforce donc ainsi la
constitution de monopoles dans le domaine de la formalisation de la pensee.
Les concepteurs des systemes les plus performants et les plus respectes
n'hesitent pas a rendre publics leurs algorithmes de maniere a permettre a
chacun de les ameliorer. Alors que les entreprises qui cherchent a
maintenir le secret autour de leur code source ne produisent le plus
souvent que de mediocres programmes. Ainsi, contrairement a l'ideologie
propagee par ce gouvernement, la technologie informatique ne deviendra un
vecteur d'emancipation et de progres qu'a partir du moment ou chaque membre
de la communaute pourra librement tester le fonctionnement des systemes.

Si ce n'est deja fait, nous vous conseillons de vous procurer le logiciel
*Pretty Good Privacy* pour crypter vos messages electroniques et vos
conversations telephoniques. En distribution libre sur le web, les
algorithmes qui constituent PGP ont ete rendus publics et sont reactualises
des qu'ils subissent une attaque fatale.

Evitez desormais les banques et commerces en ligne dont l'adresse se
termine par .be. Peu surs et peu discrets, ils pourraient etre pirates
depuis l'etranger sans que vous n'en sachiez rien.

La plupart des parlementaires disposent depuis peu d'une adresse
electronique accessible sur le net via http://www.lachambre.be Vous pouvez
donc en discuter directement avec eux. Si vous voulez prendre connaissance
du texte du projet de loi du 3 juillet, tapez :
http://www.moving-art-studio.com/texts/loi.pdf


Jens-Ingo Brodesser & Frederic Jadoul

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